Étonnante découverte que celle effectuée par des botanistes japonais dans les îles tropicales de l’archipel : Gastrodia amamiana a renoncé à ouvrir ses fleurs mais parvient malgré tout à s’autoféconder.
Les orchidées n’en finissent pas de réserver des surprises. Celle découverte par une équipe de l’université de Kobe (Japon) en fournit une énorme. Cette petite plante de 8 centimètres (pour les plus longues) pour 9 millimètres de diamètre présente une sorte de bourgeon qui ne s’ouvre jamais. Les botanistes ont disséqué cette bourse pour y trouver sépales et pétales dans leur enveloppe (le périanthe) entièrement close. Il a donc bien fallu se rendre à l’évidence : cette espèce a renoncé à fleurir mais réussi cependant à fructifier en s’autofécondant. Une description de cette plante étrange a été publiée le 2 août dans la revue Phytotaxa.
Gastrodia amamiana fait partie du genre Gastrodia qui regroupe désormais – en l’état actuel des connaissances – une centaine d’espèces vivant dans les forêts du Sud-Est asiatique. L’équipe de l’université de Kobe s’est fait une spécialité de la recherche de ces fleurs minuscules vivant dans des sous-bois sombres peuplés de serpents venimeux. L’île d’Amami-Oshima ne fait pas exception. Située à 400 kilomètres au sud de Kyushu, l’île la plus méridionale de l’archipel nippon, la paradisiaque Amami-Oshima est constituée de petites montagnes recouverte de forêts tropicales denses, peu fréquentées par les touristes car difficiles d’accès et lieu de vie de serpents mortels endémiques de ces îles.
Ces orchidées pompent le sucre des arbres sans rien donner en retour
SYMBIOSE. C’est cet écosystème qui expliquerait l’évolution de l’orchidée vers une fructification sans fleur. Les chercheurs estiment en effet que la plante aurait ainsi évolué parce que les insectes pollinisateurs sont rares dans ce milieu perpétuellement sombre. La grande originalité de cet écosystème incite en tout cas les botanistes à lancer un appel à la préservation stricte de ces forêts dont une petite partie est exploitée.
Gastrodia amamiana a une autre particularité : elle est « mycohétérotrophe ». Dépourvue de feuilles, elle ne fait pas de photosynthèse, la lumière étant de toute façon rare dans ces sous-bois. Elle se fournit en sucres par symbiose avec les arbres. Mais pour que ce transfert de nourriture puisse s’opérer, il faut un troisième acteur, les champignons. Leurs filaments (les hyphes) font le lien entre la racine des arbres et celles de l’orchidée. Fait étrange, si l’arbre et le champignon ont bien un intérêt commun à échanger des sucres issus de la photosynthèse contre des matières organiques que le champignon va chercher plus profondément dans le sol, l’orchidée pompe des sucres sans rien apporter en échange à l’arbre. Pour les botanistes, la mycohétérotrophie reste donc un mystère, cette situation de profiteur étant extrêmement rare dans la nature. En France, cette catégorie d’orchidées est représentée par la néottie nid-d’oiseau (Neottia nidu-avis) qui vit dans les sous-bois des hêtraies et chênaies.
Loïc Chauveau
Laisser un commentaire