Les orchidées font partie des êtres vivants dont la survie est des plus menacées. La modification de leur milieu naturel, les prélèvements sauvages, la pollution, l’emploi d’amendements chimiques, d’herbicides et de pesticides, … sont autant de facteurs dont l’impact est très important sur ces plantes et leur environnement.
La présence d’une orchidée en un
lieu donné est le signe de son équilibre : ici cohabitent en harmonie
tous ces êtres vivants. La moindre modification intervenant dans ce
milieu met en péril de nombreuses espèces, dont les orchidées. Ces
dernières sont hyperspécialisées et tributaires de facteurs bien précis
pour leur germination, croissance, épanouissement et reproduction.
Ainsi, la germination des graines
d’orchidées, souvent minuscules, et quelquefois si fines qu’elles sont
quasi invisibles à l’œil nu, dépend de la présence d’un champignon
spécifique qui va envahir la graine en lui apportant l’eau et les
éléments nutritifs nécessaires au développement d’un protocorme. En
retour, ce protocorme, puis la jeune plantule qui en dérivera, va
apporter au champignon les éléments nutritifs générés par la
photosynthèse qu’il est incapable de réaliser lui-même.
La croissance et l’épanouissement
des orchidées dépendent essentiellement de facteurs climatiques, mais
aussi environnementaux. Chaque espèce d’orchidée pousse dans des
conditions particulières (mais c’est propre à tous les êtres vivants) :
températures, précipitations, … Les modifications climatiques annoncées
pour ces prochaines décennies vont avoir un impact certain sur les
orchidées : des régions entières vont se retrouver avec un climat
différent dans un laps de temps a priori trop court pour
laisser le temps aux plantes de s’adapter. Il est clair qu’une saison
sèche plus longue ou, à l’inverse, une saison de pluie plus longue,
modifieront bien des comportements. De même, les différences thermiques
(déjà bien sensibles sous nos latitudes !), que ce soit entre le jour et
la nuit ou d’un bout à l’autre de l’année, vont influencer tout autant
la répartition de certaines espèces que leur aptitude à croître, fleurir
ou germer. A des latitudes plus élevées, des espèces plus
« méridionales » apparaîtront; tandis qu’à des altitudes plus élevées (et
cela, sous n’importe quelle latitude), l’absence de fraîcheur de plus en
plus marquée risque de faire disparaître nombre d’espèces tributaires
de ce froid ou de cette fraîcheur.
Enfin, la reproduction, somme toute
l’enjeu unique d’une floraison – on a souvent tendance à l’oublier, la
reproduction donc semble compromise dès qu’on touche, d’une façon ou
d’une autre, à ses vecteurs que sont les insectes ou les oiseaux (le
pollen des orchidées étant aggloméré en une substance visqueuse et
lourde, l’intervention du vent dans la pollinisation des ochidées est
nulle !). Dès qu’on utilise un insecticide, on peut mettre en péril un
insecte pollinisateur et, par conséquent, la reproduction d’une (ou
plusieurs) espèce(s) d’orchidées. En effet, il faut savoir que les
orchidées ont, dans leur toute grande majorité, chacune leur
pollinisateur attitré et quelquefois même exclusif. Rendez-vous compte,
si cet insecte vient à disparaître, l’orchidée n’y survivra pas
longtemps. D’autant que, contrairement à d’autres espèces végétales, peu
d’orchidées ont développé des méthodes de multiplications « secondaires »
: bouturage, marcottage, division… qui auraient pu leur permettre une
dispersion plus vaste et moins ciblée !
Enfin, le mode de vie de beaucoup d’orchidées les rend particulièrement fragiles aux activités humaines. Que ce soient les orchidées de prairies (anéanties par les pratiques culturales utilisant les engrais chimiques qui favorisent les graminées aux dépens du reste), de marais (victimes de soi-disant « assainissements » nécessaires à la rentabilisation de ces milieux prétendus improductifs), ou épiphytes (qui ont la mauvaise habitude de pousser sur les vieux arbres dont la valeur commerciale élevée attire les spéculateurs), toutes ces pauvres plantes se retrouvent donc sur le chemin du « progrès » et du « profit » ! Et qui s’en préoccupe ? Personne… sinon les amateurs d’orchidées que nous sommes !
C’est la raison pour laquelle toute
association d’orchidophiles qui se respecte doit tenir compte de cet
aspect important. Trop d’espèces ont déjà disparu à tout jamais de la
surface de la Terre, arrêtons le massacre et sauvons ce qui peut encore
l’être !
Le CAWO s’est donc engagé, par ses
statuts, à respecter la Convention de Washington qui réglemente le
commerce des espèces en danger, mieux connue sous l’appellation CITES, pour « Convention on International Trade of Endangered Species« .
Cette convention spécifie les espèces concernées par son application et
prescrit les moyens à mettre en vigueur pour le respect de son
application. Les pays ayant ratifié cette convention (dont la Belgique)
sont censés la respecter et la faire appliquer sur leur territoire. La
Communauté européenne a également édicté des directives allant dans le
même sens, mais assorties de particularismes locaux.
Pour accéder au site :
Cette convention a pourtant des effets pervers. En
effet, certaines espèces classées en Annexe I, c’est-à-dire dont la
vente, voire la possession même, sont strictement interdites, continuent
pourtant de circuler. La liste complète peut être obtenue sur le site
de l’IUCN (International Union for Conservation of Nature.
Un exemple récent est le mini-scandale qui a éclaté lors de la dernière
édition de l’EOC, à Londres, en 2003 : des exposants américains se sont
vus autoriser la vente de plantes de Paphiopedilum vietnamense
(pourtant classé en Annexe I, comme tous les Paphiopedilums) et certains
de ses hybrides, mais il leur a été refusé de les réexporter vers les
Etats-Unis ! D’autre part, en partant du principe que ce qui est rare
est cher, cette convention, au lieu de favoriser la protection et la
préservation des orchidées, encourage la contrebande et les arrachages
massifs, en raison des profits énormes générés par les orchidées. Autre
exemple, il est déjà arrivé que certains espèces soient découvertes,
mais que cette trouvaille soit gardée secrète le temps, pour certains
producteurs, de les multiplier en cachette avant les revendre à prix
d’or dès que leur découverte a été publiée et leur commerce autorisé !
Enfin, l’histoire rocambolesque du Phragmipedium kovachii constitue également un exemple frappant récent !
Pour accéder au site :
Que faire à notre petit niveau pour limiter au maximum les effets de ces trafics ? La première chose est de se limiter aux plantes qui proviennent de culture. On trouve malheureusement encore trop souvent des plantes arrachées à leur nature ou « tombées de l’arbre » chez des revendeurs, voire même chez des producteurs connus peu scrupuleux. Ce sont des pratiques et des gens qu’il faut éviter. Normalement, il est assez facile de les distinguer. Les plantes cultivées présentent généralement une croissance régulière et harmonieuse, des feuilles en bon état (sans trou, tache, coup de soleil, …) et des racines poussant en cercle (dans le cas d’espèces cultivées en pot). La question ne se pose d’habitude pas pour les hybrides, résultat de manipulations humaines en vue d’obtenir des plantes plus faciles à cultiver que les parents, tout en ne conservant que les avantages de l’un et de l’autre ! Les plantes provenant de la nature ont souvent un tout autre aspect : les conditions climatiques n’étant pas toujours régulières, même sous les Tropiques, la croissance est tout aussi irrégulière; les feuilles sont souvent attaquées par l’une ou l’autre bestiole ou présentent des coups de soleil…
Mais on aurait grand tort de limiter cette protection aux orchidées exotiques. En Europe, poussent plusieurs centaines d’espèces d’orchidées (le dernier recensement signale plus de 400 espèces !). Et on peut affirmer sans crainte (!?!) que près de 90% sont menacées de disparition à ± court terme… si on n’intervient pas rapidement. Des mesures ont déjà été prises pour préserver de vastes territoires, mais cela reste encore insuffisant. Au rythme de 5 à 10 espèces qui disparaissent par an, faites le compte des années restant avant l’extinction totale des orchidées européennes !
Le CAWO s’est donc adressé aux RNOB
(Réserves naturelles et ornithologiques de Belgique) pour établir un
plan d’action commun en vue de la sauvegarde des orchidées en Belgique.
Oh, bien sûr, nos moyens sont limités, mais si chacun s’y mettait, elles
auraient d’autant plus de chance de survivre. Nous travaillons donc en
partenariat depuis 2002 avec les RNOB, pour la gestion de la réserve de
On. Cette réserve abrite une quinzaine d’orchidées, dont la station la
plus septentrionale de l’Himantoglossum hircinum, l’orchis bouc. Un Epipactis
inhabituel s’y trouve également et fait actuellement l’objet d’études
particulières. Divers aménagements, destinés à favoriser l’expansion des
orchidées, ont déjà été réalisés. Les premiers résultats sont donc
attendus avec impatience. Ils seront naturellement publiés dans ces
pages.
Pour accéder au site :
Une station d’Orchis purpurea, devenu très rare en Belgique, située près de Henri-Chapelle, leur a également été signalée en 2003. Il semblerait que la procédure de classement soit en cours.
Bref, ce ne sont ni les réjouissements ni les craintes qui manquent. Il reste du travail et un de nos buts est justement d’inculquer les enjeux et les conséquences de la protection des orchidées à nos membres, car, si on ne fait rien, quelle Terre laisserons-nous à nos enfants ???