Avec les Epipactis, nous changeons un peu de schéma général. En effet, toutes les espèces présentent des tiges feuillées (± densément) émanant d’un rhizome souterrain rampant souvent ramifié et dont les fleurs (nombreuses) sont plus nettement ouvertes que chez les deux genres précédents. Le labelle présente une particularité supplémentaire dans la mesure où il est composé de deux parties distinctes, celle qui touche au rostellum (epichile) et celle qui est extérieure (hypochile). Entre ces deux parties se trouve une « articulation », matérialisée par un resserrement du labelle, et qui l’entraîne souvent vers le bas.
Les Epipactis sont essentiellement des espèces forestières et de milieux assez fermés, ils poussent dans la litière de feuilles mortes et de débris végétaux où ils trouvent de la nourriture en abondance et de l’humidité en suffisance. Mais certaines espèces préfèrent les milieux ouverts (Epipactis palustris, dans les prairies humides) et certains même se contentent de talus ensoleillés (Epipactis distans), alors que d’autres poussent dans des endroits très sombres et n’ont quasi plus de feuilles (), voire plus du tout et presque complètement teintés de pourpre (Epipactis purpurea). Dans ce dernier cas, il s’agit d’une espèce saprophyte qui ne possède pratiquement plus de chlorophylle et qui compte sur un champignon pour assurer sa nutrition.
Les Epipactis ont une répartition un peu bizarre dans la mesure où on retrouve une espèce, perdue au milieu de nulle part, bien loin en Afrique orientale (Ethiopie), alors que les autres espèces poussent en Europe et en Asie (plus Epipactis helleborine, naturalisé en Amérique du Nord, lui aussi amené là par les colons !). A ce jour, personne n’a pu donner une explication plausible de la présence de cette espèce si loin des autres. Cela date-t-il de la désertification du Sahara, suite à laquelle cette espèce se serait retrouvée isolée des autres ? Ou bien provient-elle des plantes poussant dans la péninsule arabique ? Difficile à dire. En tout cas, c’est une des énigmes de l’orchidologie.
Une autre bizarrerie présente chez les Epipactis est l’autogamie. Quelques espèces, au moment de la floraison, n’épanouissent pas leurs pétales et sépales mais, au contraire, gardent leurs boutons fermés. La plante procède à une autofécondation sans avoir recours aux insectes. Cela se remarque surtout dans les endroits sombres où peu de ces commissionnaires volants osent s’aventurer. Alors se pose la question de la reproduction. Tout le monde connaît les risques qu’entraîne la consanguinité : à terme, une régression de la plante n’est pas à exclure. Or, il semblerait (car ceci n’est pas encore confirmé à 100 %) que ces plantes n’en souffrent pas et que des populations entières d’Epipactis autogames existent un peu partout ! De plus, on connaît la faculté des Epipactis à se multiplier végétativement par ramification de leur rhizome souterrain, cela évite de passer par la fécondation, toujours aléatoire. C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle les Epipactis poussent souvent en touffe.
Les Epipactis, quand ils sortent de terre, tard au printemps, ressemblent assez bien à des Sceaux-de-Salomon (Polygonatum) qui pousse ± aux mêmes endroits, mais les feuilles de ce dernier sont opposées (= face à face sur la tige), alors que celles de l’orchidée sont alternes (= une après l’autre sur la tige).
Le labelle de plusieurs espèces présentent un renfoncement assez brillant qui est censé attirer les insectes : ceux-ci croient en effet qu’il s’agit de nectar. Or, il n’en est rien. Quand ils ont visité ce renfoncement, ils sont passés sous les pollinies et s’en sont chargés… avant de les déposer sur la fleur suivante !!! Ingénieux, vous avez dit ingénieux ?