Orchidées d’Europe

Plus de 400 espèces !

Le mode de croissance des orchidées tempérées est quasi exclusivement terrestre et avec des feuilles généralement caduques : en effet, ces zones étant soumises à des saisons marquées, avec une période froide, sèche ou humide, la croissance en épiphyte est fort peu possible, de même, le feuillage persistant ne concerne qu’une toute petite minorité d’orchidées dites « tempérées ».

A quoi ressemblent-elles ? Il existe trois formes principales : plantes à pseudobulbes, plantes à rhizome épais et plantes à rhizomes fins et allongés. Pour donner trois exemples concrets, voici, dans l’ordre : Orchis mascula, Bletilla striata, Epipactis palustris.

En Europe, plus de 400 espèces (au dernier comptage) d’orchidées sont réparties des bords de la Méditerranée et des confins du Caucase jusque bien au-delà du Cercle polaire Arctique. C’est-à-dire… partout ! Elles ont colonisé, et depuis longtemps (on a retrouvé un des rares fossiles d’orchidées en Allemagne, dans des couches géologiques datant de l’ère secondaire), toutes les niches écologiques disponibles, sauf la pleine eau, le désert et les glaces. Du bord de mer à plus de 3000 m, il est possible de rencontrer des orchidées en Europe. Bien évidemment, c’était le cas jusqu’il y a deux à trois siècles, époque à laquelle les activités humaines ont modifié fortement et souvent irrémédiablement les biotopes où ces plantes croissaient. De nos jours, même si certaines espèces demeurent répandues sur de vastes territoires, beaucoup d’entre elles ont vu leur aire de répartition se réduire comme peau de chagrin, précédant ainsi la situation qui prévaut aujourd’hui dans les pays tropicaux !

Ainsi, s’il est assez « fréquent » de tomber sur des espèces comme Orchis mascula, Epipactis helleborine, Listera ovata, Dactylorhiza maculata ou Gymnadenia conopsea, qui peut se vanter, par contre, d’avoir vu Calypso bulbosa, Anterorchis fragrans, Ophrys aveyronensis, Nigritella ferdinandi-coburgii ou encore « tout simplement » Cypripedium calceolus ??? Peu d’entre nous malheureusement. Ici comme sous les Tropiques, il en est des rares et des moins rares. De plus, bon nombre de ces orchidées ont des répartitions climatiques : Ophrys dans le sud, Nigritella en altitude ou dans le nord, Listera dans le sud-ouest, Neotinea à l’est, Calypso exclusivement aux alentours du Cercle polaire, … D’autres sont largement réparties et parfois sur plusieurs continents même : Dactylorhiza (de l’Europe au Japon), Orchis et Neottia (Europe et Asie), Cypripedium, Corallorhiza et Platanthera (circumpolaires), etc.

C’est peut-être difficile à concevoir pour qui ne l’a pas expérimenté mais, dans les endroits qui leur conviennent (pour quelle que raison que ce soit), les orchidées d’Europe peuvent former de vastes colonies dont la découverte constitue toujours un enchantement indescriptible ! En effet, on a peine à s’imaginer que des végétaux d’apparence si fragile, parviennent à se répandre de cette façon. Imaginez, vous vous promenez dans un chemin agricole et puis, soudain, dans le pré d’à côté, une immense tache rose rouge : des centaines de Gymnadenia conopsea ou des Orchis morio; si la couleur est plus vive et plus foncée encore, alors ce sont des Dactylorhiza majalis dans un pré humide. Une grande tache jaune et rouge ? Alors, vous vous trouvez en moyenne montagne ou à l’étage alpin et faites face à des Dactylorhiza sambucina ! Une touffe où le brun et le jaune sont dominants ? Asseyez-vous, et contemplez une rare station de Cypripedium calceolus ! Bref, vous le voyez (enfin, je vous le souhaite !), les orchidées d’Europe sont toujours capables de nous réserver des – bonnes – surprises ! L’expérience vécue dans la réserve de Montenach, fin mai 2005, est à ce titre exemplaire : par endroit, plusieurs dizaines voire centaines d’orchidées s’offraient au regard des participants… un peu médusés, mais surtout vraiment ravis de découvrir tant de beautés à une semelle et demie de distance…

Mais ce n’est pas une raison pour crier victoire. Tout comme leurs cousines tropicales, nos orchidées sont sérieusement menacées, plusieurs sont au bord de l’extinction, beaucoup d’autres sont en danger à ± court terme et, si on n’y prend garde, ce sont toutes nos orchidées qui disparaîtront d’ici quelques temps. Bien sûr, des mesures de protection ont été prises partout en Europe, des réserves naturelles ont été créées, la législation de nombreux pays reprend le concept de la protection intégrale ou partielle de ces plantes et interdit ou limite strictement leur commerce. Mais, rien n’y fait. On continue de bétonner, « tarmaquer », engraisser, désherber, défricher, drainer, déboiser, etc., bref à déranger ces plantes… qui n’ont rien demandé à personne !

De plus, comme si ce n’était pas encore suffisant, des « amateurs » peu scrupuleux ou des producteurs guère plus sages, continuent à saccager les stations naturelles pour s’accaparer ou revendre ces plantes. Pourtant, aujourd’hui, les techniques de multiplication in vitro et de semis in vitro ou asymbiotique permettent d’éviter ces prélèvements sauvages pour bon nombre d’espèces. En effet, depuis plusieurs années, Epipactis palustris, Dactylorhiza praetermissa, Dactylorhiza maculata et fuchsii, Orchis mascula et morio, Ophrys apifera, Barlia robertiana et même Cypripedium calceolus, etc. sont artificiellement reproduits dans des laboratoires contrôlés et mis à la vente en toute légalité. Même si un débat est actuellement en cours entre les tenants de ce procédé et ceux qui avancent une possible « pollution génétique » par l’introduction de souches étrangères à notre flore locale.

Un peu plus inattendue est l’influence du « réchauffement climatique » général de notre planète. Si celui-ci nous réserve peut-être d’agréables surprises avec l’apparition d’espèces plus méridionales comme certains Ophrys, Barlia ou Serapias, qu’en est-il de l’impact de ce réchauffement sur les plantes du Nord de l’Europe ou d’altitudes. Ces plantes ont besoin du froid qui règne dans ces contrées. De plus, les plantes de montagne finiront par arriver en haut de celles-ci sans possibilité d’aller plus loin. Leur seul salut sera l’adaptation à ces nouvelles conditions climatiques. Combien y arriveront ? Une, deux, trois, aucune ? Difficile à dire tant seront nombreux les paramètres entrant dans cette éventuelle nouvelle adaptation. Ainsi, qu’adviendra-t-il des si jolies Nigritella ou de plusieurs espèces de Dactylorhiza ou encore de la sublime Calypso ? La probabilité est grande qu’elles disparaissent purement et simplement ! C’est une perspective très peu réjouissante à laquelle il faut pourtant se préparer !

Les scientifiques sont pratiquement tous d’accord pour affirmer qu’on n’arrivera pas à sauver toutes nos orchidées, mais plus on s’y prend tôt, plus aura-t-on de chances d’en sauver un maximum. Il est donc de notre devoir, nous, amateurs d’orchidées, de participer à ce vaste mouvement et de contribuer ainsi, non seulement à propager la « bonne parole », mais aussi à agir, en notre âme et conscience, dans le sens de leur conservation et de leur protection.

Après ce petit préambule, passons maintenant aux présentations de ces espèces qui n’ont rien à envier à leurs cousines des pays chauds. Attention, l’ordre de présentation ne correspond en rien à la phylogénie officielle, mais bien suivant une organisation arbitraire conduisant des plus courantes aux plus rares ! Tous les genres ne seront pas abordés, mais cela vous donnera déjà une idée de la richesse de la flore européenne en la matière.