Nigritella

Parmi celles que je préfère aussi, il y a les Nigritella. Oh, ne vous attendez pas à les trouver au détour d’un chemin en Belgique. Non, il vous faudra plutôt prendre la direction des chaînes montagneuses du continent pour en trouver. Nigritella dérive du latin nigra, qui signifie noir : plusieurs espèces portent des fleurs d’un rouge pourpre si foncé que, de loin, elles semblent noires ! Les Nigritelles sont de petites plantes proches des Gymnadenia, leurs feuilles sont très fines, ± érigées et réunies en rosette basale. La hampe florale, au lieu de porter un épi allongé comme chez Gymnadenia, présente un épi très dense, presque hémisphérique chez certaines espèces, et dont les fleurs ne sont pas résupinées (ne subissent pas de rotation à 180° avant l’épanouissement, comme chez les autres orchidées) si bien que le labelle se retrouve en position supérieure.

Les Nigritelles sont les stars des alpages et beaucoup de randonneurs alpins les considèrent comme des joyaux de montagne, au même titre que les Edelweiss ou que certains Saxifrages ou Campanules. Quel bonheur de découvrir, lors de ses pérégrinations, cette petite plante… que le bétail évite, sous peine de transmettre au lait une forte odeur de vanille (eh oui, les Nigritelles aussi) et, paraît-il (mais je n’ai jamais pu le vérifier), rendre le lait bleu (du lait Schtroumpf, avant le chocolat Milka ???). C’est un véritable ravissement. Et on assiste alors au plus étrange phénomène qui soit : le randonneur en question se prosterne religieusement devant la plante. Plus prosaïquement, il se met en fait à la (minuscule) hauteur de la fleur pour profiter de son doux parfum !!! Mais il faut reconnaître que l’effluve valait bien le déplacement ! Ca, ça vaut pour les espèces Nigritella nigra, Nigritella rhellicani et Nigritella austriaca, toutes à fleurs foncées. Chez Nigritella rubra qui, comme son nom l’indique, a des fleurs rouge sang, c’est tout différent. Là, on a carrément l’impression de se retrouver face à une barre de chocolat à la vanille (pas de pub !). Vraiment étonnant. L’Oncidium Sharry Baby fait pâle figure à côté ! Autant vous dire que mes genoux se souviennent encore de ces nombreuses prosternations !!!

Allez, trêve de plaisanterie et revenons-en à des choses nettement plus dramatiques. Les Nigritelles font partie des orchidées les plus menacées par ce fameux réchauffement climatique. Certaines Nigritelles ne poussent déjà pas en dessous de 2000 m d’altitude, ce qui limite fortement leur répartition. Le jour où les étages alpins vont glisser en altitude, il n’est pas du tout certain qu’elles arrivent à subsister. Ce qui constituerait une perte immense pour tous les amateurs de flore alpine et les orchidophiles. Mais nous n’en sommes pas encore là, alors ne gâchons pas notre plaisir !